Ville morte
Les feuilles mortes baladées par le vent suspendent le temps et le silence des rues désertes cri l’absence des âmes vagabondes folâtrer à d’autres préoccupations. Une vieille femme que le hasard vient de déposer par hasard ramasse une mangue défenestrée, blessée sur le bitume noir. Hélas ! Le geste est fébrile et douloureux, les os craquent ̶ le sachet de médicament est garni comme un bouquet fou d’amour, les rimèd razié se font rares, elle sait que c’est mieux mais la science est devenu dieu, elle offre le prolongement de la courte vie. Les grands arbres ne se parlent pas, le vent roupille encore, la place est devenu trop grande, les pigeons salissent les bancs à cause des gens absents qui ont préférés brancher leur forêt d’antennes pour rire et pleurer tout seul au lieu de partager la fraîcheur du soir venu avec un visage inconnu dans le simple hoché de la tête ou le sourire timide d’une âme sœur venue croiser le chemin du bonheur ̶ dont l’étincelle allumera le grand feu de la passion à cause de la foudre qui vient de tomber.
un mercredi apres midi au détour de la place de la victoire. saisi par le vide et cette vieille dame l'esprit se mit à bouillonner
L’âge d’or
Quand les enfants ne voudront plus nous embrasser à cause de ce parfum, cette puanteur caractéristique de tous les hommes du monde ‒ cassés sur un vieux bâton ou langés comme un nouveau-né ; on galope péniblement devant le miroir pour regarder l’arbre centenaire dont la force s’est avilit et seuls les souvenirs maladroits tentent de maintenir un présent fragile ou tout nous dépasse et on tente de résister contre la marée montante du futur.
Le visage crevassé avance sur des échasses et menace de s’échouer.
Les orbites profonds, un regard abyssal, on ne peut plus se moquer du paresseux ni de la tortue le lièvre ne gagne plus.
Oubliés, parqués comme un cheptel galeux dans ces granges aux noms somptueux, on fraternise avec la maladie. Les visiteurs se font rares pour ceux qui peuvent encore voir, en plus du péché il faut payer le salaire de l’ingratitude.
Puis le feu s’éteint ; étouffé par la cendre ou noyé dans le hurlement des vapeurs qui fussent.
Un matin au détour de la ville ( PaP)
Cette ville s’éveille depuis des milliers de lunes dans le même parfum intarissable comme le pétrichor et ce relent embrase les
coins et recoins des rues ainsi que les vêtements des hommes qui le portent comme une médaille de bronze. Le temps s’est arrêté dans les gestes et les habitudes. Ce matin, la pluie a déserté les
bancs de la place publique. Les touristes immortalisent les couleurs et les formes sans pouvoir dérober les odeurs, les mêmes senteurs qui embaument la Darse
depuis Sorin et Robert. Un bout de Pékin par ici, un morceau de France par la et la Syrie et le Liban travaillent de concert en bon frères.
La mer tend vainement d’oxygéner quelques poissons cryogénisés sur leur lit de glace mais le destin est déjà bien tracé par un court-bouillon, une blaff ou une grillade bien épicée. Devant toute
cette merveille de la vie dont je suis le seul à profiter semble-t-il avec quelques étrangers qu’ont promènent en cyclo pousse-pousse avec un drôle de masque noir collé aux yeux, Vaval est
pourtant mort déjà il me semble. Je prends un banc pour complice et il me raconte le passé et j’imagine les gens qui passent sous mes yeux vêtus de longs vêtements, de chapeaux de paille certains
pieds nus et les frégates qui tournent dans le ciel sont les même jadis. Soudain, les haut-parleurs d’une voiture vomissent un slogan politique qui fait fuir les pigeons, remplit la tête et fait
taire la fraîche brise marine du matin que le soleil transformera bientôt en vapeur. Sur le marché Saint-Antoine les visiteurs se laissent souler par les odeurs de la cannelle du camphre et de
l’encens. Les bouteilles de punchs aux multiples saveurs font déjà rougir les teints de papier et tourner la tête de ces hommes et de ces femmes d’un jour qui reviendrons ou ne reviendrons
peut-être pas.
Le vieux
Il ressemble à un arbre rabougris, tordu par le temps, plié par le vent ; Il se traine, sa peau se fissure comme un lac asséché, ses yeux et ses joues aspirés creusés par tant d’aléas sans repos le rend laid et font fuir les gamins qui vont et reviennent de l’école. Lui, l’homme qui faisait tomber les fruits murs au printemps de sa vie. Le vers de la solitude le ronge dans sa case avec son odeur de pisse et ce qui lui reste de ses dents qui ne passent plus l’hiver. La famille bien que vivante est plus morte que lui. Les fils ont disparu, il cohabite avec les insectes qui mangent de son pain sec et se cachent dans le foutoir et la suie de sa table comme s’ils avaient peur du vieux inoffensif dont la menace est nulle car sa vue tâtonne l’essentiel dans un râle constant aux ingrats qui ne l’entendent pas.
Nous
Nous sommes le résultat d’un voyage incertain, un paquet de spermatozoïdes filants dans le noir, dans le liquide séminal bleu pour
être brutalement éjaculé sur un ovule riche, vierge, verte, et poilu dont la voute recouvre même les sommets les plus élevés. Nous, hasard de nous, peut-être, volonté de Dieu qui avait demandé de
peupler la terre et non pas d'y mettre l’enfer. Nous égarés, choqués, rescapés des maladies, des mutineries, des tempêtes et des traitements barbares.
Nous, mélanges de couleurs et de paroles, nous, dont le roulis et le tangage du Rovodoa, du Wildfire, de La Amistad, du Meermin, de la Marie Séraphique, de l’Africain, de l’Aurelie…nous donnent
encore le mal de mer.
Paix aux âmes du Fredensborg, du Zong et de tous ceux dont l’oubli ne nous revienne pas.
Nous créoles, éclats, autrefois continent, particule homogène, le temps n’est pas un allié, il a toujours duré trop longtemps.
Nous sommes une multitude mais nous somme UN.
NOUS doit se réunir,
NOUS doit revendiquer et réhabiliter son identité dont le calque disparait lentement au gré de la mondialisation.
Hier
Ou sont passé les solex, les vespa, les catiches, le fer à cheveux, le thé de fanbwazen, le marchand de bouteilles, le kwi, le
matelas de coton et les autres souvenirs que la vie nous avait donné pour nous gâter.
Hier encore au pied de la cabine téléphonique la queue serpentait.
Hier il y avait ici une case, un lolo, on ti joupa ou un vieux tournait en rond dans sa seule pièce, il faisait tout sans
grommeler.
Hier on se tenait la main avec moins de savoir ;
Aujourd’hui, l’intelligence nous détruit, nous affaiblit, nous désuni
Yè sété, on pal
On koud men
Kon yo ka di :
Yonn a lòt…téni lanmou
Jòdla sé jalouzi,
Hipocrizi,
Maché yonn si lòt…pou lajan.
Aujourd’hui, les souvenirs d’hier sont incapables d’enrayer le déracinement culturel d’un peuple qui avait tout à envier, d’hommes et de femmes sous l’injection létal, privé de toute liberté, et la décadence morale gagne le terrain comme le désert qui assèche la conscience, le dernier rempart de la défloraison mentale.
Les hommes que nous sommes
Il y a des hommes dans le monde qui sont prêt a mourir le fusil sur le front pour se qu’ils sont. Il y a des lâches qui jappent en
oubliant les oreilles chastes des enfants hébétés qui les regardent et qui sourient à la tonalité des injures sans comprendre ce que sont ces avanies honteuses, puantes qui salissent, qui brisent
et qui rabaissent.
Ces hommes qui écrasent les petits comme le moustique mais qui on peur d’écraser le mille-pattes. Ces hommes qui parlent fort, qui battent les femmes, qui les tuent,
Ces hommes qui attendent la réalisation des doux rêves politique sous forme poétique, ce verbiage flatteur et comme des corbeaux nous laissons notre part de fromage aux renards fallacieux.
Ces hommes qui lèvent le coutelas pour fendre le crane et non la canne, ces hommes violents, assistés pour être violent, des hommes chargés de BAC pourchassés par la BAC dans les labyrinthes de
tôles.
Il y a des hommes dans le monde qui se repaissent de cette situation dans l’opulence putride de leur tour,
Ils nous regardent,
Ils se rient
Ils se disent : qu’ils sont cons
On les affame pour les nourrir
On les empoisonne pour les soigner
On leur suscite le désir, ils n’ont besoin de rien
Et nous ces hommes, nous nous sommes trompé d’ennemi,
Nous emmenons nos frères sur le ring et sous les applaudissements écervelés de nos confrères nous leurs cassons la gueule sans savoir pourquoi.
La cale
Ténèbres,
Abysses,
Ou les ongles ancrés dans le bois pour résister aux roulis et aux tangages saignent dans l’orage.
Et l’homme devient fauve, enchaine au cou
Et l’homme devient fou, enchainé aux pieds
Chaque jour, deux trois fois par jour
Un homme plonge dans le noir et son rugissement est comme la voix du lion.
Un seul homme fait peur,
L’homme effrayait plus que la bête
Il fait replier les prépuces
Il fait taire les cliquetis des chaines
Le conquérant des âmes perdues découvre son nouveau pouvoir.
Au fond de la cale, les gémissements raclent le fond de l’océan
Les grands poissons encore libres fuient au cœur des volcans
Car le geignement silencieux des femmes dont la robe a été relevé jusqu’à la hanche
Est une complainte amère en attendant que le bâtard vienne déchirer la porte de ses entrailles dans un hurlement déchirant et des larmes de honte.
Merci à Dieu
Je remercie Dieu qui a jeté ces iles sur ce fond bleu et ces moutons blancs, ce pays d’où je suis ou les
entrailles de la terre cachent ses joyaux,
Je n’y serais pas s’ils n’avaient pas été là eux aussi,
Le Beauport ou sont venu accoster ces bateaux de bois aux grandes voiles blanches défiant Poséidon et les
créatures de la mer.
Je remercie Dieu qui éveille ma conscience et bien que pêcheur dans
l’âme sans le vouloir, j’ai hérité de la tare mais je mourrai libre bien qu’étant esclave de mes frères entêtés qui ne se repaissent pas de la suffisance. Je suis votre serviteur, dressé telle
votre image, fébrile dans la chair pétrie de scories.
Je serais à genou mais loyal,
sur mes rotules sanguinolentes je cris grâces à celui qu’on méprise, qu’on recherche que dans la tourmente
pour assouvir nos désirs ingrats d’enfants insubordonnés.
La faim de l’homme
Rien n’a pu combler sa panse
Etancher sa soif,
Son avidité
Et son insatiabilité.
Sa gourmandise de terres
Met à nu son prochain,
Sa soif de pouvoir
Etrangle la liberté des autres ;
Dès sa naissance l’homme a faim
Et jusqu’à sa fin,
Sa possession matérielle n’aura pas de limite
Il a les yeux plus gros que le ventre,
Il gaspille, il ruine, il tue
Il détruit, il pollue.
Le glouton du monde
N’a pas mangé le riz de la paix,
Le lait de la vie,
Aveuglé,
Il mange en salade les orties
Et dans son cœur les graines de la haine
Ont étouffé les plants d’amour.
Couleur terre
Je ne suis ni noir ni blanc
Ni jaune ni rouge
Je suis de couleur terre
Je suis de fer et de cuivre
D’or et d’argent ;
Je suis d’eau et de diamant
Mon front est de silex
Et mes dents d’ivoire.
Je suis l’homme que Dieu à crée
Je suis l’homme tiré du sol
Je suis poussière et couleur terre
Je ne suis ni grand ni petit
Je suis le jumeau de mes frères et mes sœurs
Le fils de ma mère
Je suis de sa couleur
Je suis partout le même
Je revendique cette paternité
Je revendique cette identité
Je revendique le UN
l’Unité
L’Egalité
et la Fraternité.
D’efforts pour rien
Il souffle dans une trompette bouchée et son ventre se gonfle comme le poisson armé prêt à péter comme le fiel dans les boyaux du
poisson chat dont on mange l’amer comme le rhume de l’aloès. Il souffle à cause des stupides qui dansent et il croit que sa musique fédère la cavalerie mais les armes sont trop lourdes et ne
servent à rien. Les grands gestes muets, les parades molles, les attitudes désinvoltes mélangées aux accolades hypocrites aux mains franches serrées vigoureusement
dont la poigne douloureuse n’a rien de virile juste une impression travestie de la vérité. La fatigue voilà ce que nous moissonnons et ce que nous laissons ne rend pas service aux embryons
éclatés des années lointaines et incertaines.
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La
volonté
La force s’enlise au pied du morne et les jambes de varices, d’arthroses gonflées de lâcheté dont il faut crever les yeux pour
rétablir le jugement comme l’abcès purulent éclaboussé avec dédain mais soulagé du mal quotidien.
Le désert qui habite nos esprits s’étend comme la gangrène du mal soigné — nos pensées asséchées nourries à l’espoir incertain
voient dans les artifices, la manne qui tombe du ciel sans voir les vers du septième jour qui dansent allègrement.
Nous avons troqué la force pour la faiblesse,
L’émancipation pour la servitude,
L’antidote pour le poison
Et la déchéance, la violence, le cri de l’infâme sont le résultat de notre veulerie, cette pusillanimité qui s’oppose à toute ténacité.
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Merci à
Dieu
Je remercie Dieu qui a jeté ces iles sur ce fond bleu et ces moutons blancs, ce pays d’où je suis ou les entrailles de la terre cachent ses joyaux,
je n’y serais pas s’ils n’avaient pas été là eux aussi,
le Beauport ou sont venu accoster ces bateaux de bois aux grandes voiles blanches défiant Poséidon et les créatures de la mer.
Je remercie Dieu qui éveille ma conscience et bien que pêcheur dans l’âme sans le vouloir, j’ai hérité de la tare mais je mourrai libre bien qu’étant esclave de
mes frères entêtés qui ne se repaissent pas de la suffisance. Je suis votre serviteur, dressé telle votre image, fébrile dans la chair pétrie de scories.
Je serais à genou mais loyal,
sur mes rotules sanguinolentes je cris grâces à celui qu’on méprise, qu’on recherche que dans la tourmente pour assouvir nos désirs ingrats d’enfants insubordonnés.
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So many tears
Why did us cry ?
Why did us spend so much of water
When so much of children are still dying?
They would like to lap each drops of our eyes
To survive one day more in this scorching world.
Since the first hurt in Eden,
We are crying.
Crying for wars,
Crying for injustice,
Crying for child, woman and husband.
Crying for natural disasters
Crying for death…
Crying, Crying… and crying.
So many tears in so many Kleenex,
So many tears on so many shoulders,
So many hearts teared,
But nothing is changing.
Tears and tears,
Tears after tears,
Years after years,
So many tears,
Crocodile tears,
Man likes to cry.
Since the cradle
We learned to cry
And since this day we never stop.
Crying is a temporary pain,
Until we swept our eyes
We have forgotten why we were crying.
So many tears for nothing!
Georges Cocks
Extraits Ramdam des mots
Tribute to the children
To poverty children,
To children with no strength left
Slaves of global companies
Small and cheap hands
Working day and night
I feel pathetic wearing my trendy clothes.
To the children whose hearts
Are broken because of a divorce,
Loveless orphans
Sold to the adulteress wowan
Or on the stall where lies are sold,
Today,
I’m less than nothing,
I’m good for nothing,
Simply unhinged.
To the new born a few days old
Stifled because they cannot breath,
Because no trade wind is blowing.
For all the love
Wasted in tears shed
Over an empty cradle;
We`ll try again, but we can’t forget you.
To the battered children
Missing, drowned or strangled,
No apology, poor remourse on the tribunal dock
The sin of wrath is a wicked fruit.
We are sorry Brian, we love you,
We didn’t want to do this to you,
Please, forgive us.
To the fruit of love
Accident or not,
The passion fruit,
To the aborted child,
To the lovely child,
Delicately swaddled in pink or blue clothes,
Forgive us for what we did
And accept our true love.
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Dis l’antan
A chaque fois que nous grimpions les marches du temps
Les marches oubliés de l’antan
Qui redonnent tant de vigueur à nos jambes, lourdes et craquantes d’arthrose,
Nous prenons un bain de jouvence de pétales de souvenirs
Dans lequel le feu de nos membres s’éteint comme un soleil couchant
Laissant la brume rafraîchissante adoucir nos sens.
Dis l’antan ?
Pourquoi t’en es tu allé par les petits sentiers ?
Toi la grande porte de contes et de légendes
Qui fabrique machines imaginaires
Et machination du temps
Qui couchait les hommes sur les haillons
Et les gros matelas de coton
Pour une sieste, un repos apaisant
En remontant les draps de la vie
Nous protégeant ainsi dans le grand cocon
Affranchi de la décadence
Aseptisant nos pensées
Nous leguant le savoir,
Le savoir vivre
Et le savoir faire.
Dis l’antan reviendras tu ?
Continueras tu ton voyage esseulé
Fantôme,
Dans la face du présent et l’ombre du futur
Dans les mots
Accrochés au fond du cœur raclant la gorge décatie
Pour trouver une sortie
Puis finalement
Ils vont mourir
Errant comme des spectres dans l’avenir.
Dis l’antan reviendras tu ?
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Je suis un nègre
Je suis un nègre
Connu mal connu
La pluie me bénit
Le soleil me cuit
La poussière comme une poudre
Attendrit
Les ventouses de la feuille de canne.
Mes pieds abreuvés de siren
Aux aurores du matin
Enflés de douleurs à l’aube de la nuit
Je n’ai pas d’ennemis
Sauf pour l’homme blanc et le temps.
Sous le pis j’abreuve la force
Et la terre confuse dans son rôle
De vie et de mort
Ne peut que se lamenter sur son triste sort
La misère est mon ange gardien
De la force de mes mains
Elle me donne le pain
Le pain quotidien
Qui ne rassasie pas la faim
Juste retarder
L’horloge de la vie
Lancée au galop
Depuis le péché originel
Je suis un nègre
Mais je ne suis pas une fatalité
Je le resterai pour encore montrer
Que
Dans le labeur je suis fort
Dans l’épreuve
Mon secours est l’esprit
Dans la tribulation
Ma consolation vient de Dieu
Mon cœur aime plus qu’il ne hait
Mes frères
Sont ceux de la race des opprimés
Sans partialité
De toutes les couleurs.
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De la rivière au delta
Sur le parvis de la langue
Les mots se bousculent dans le babyé
Comme les falaises douloureuses
Rongées par les vagues coléreuses
Une parole sans maîtrise
Jaillissant comme le vomit du volcan
Ampute l’âme
Estropiant la vie
Abandonné comme un manchot
L’équilibre fuyant
A tout jamais.
A l’embouchure du cœur
Les mots soumis, dociles
Montent paisiblement
Comme une rosée
Coloriant les pages de la vie
Et l’antan inoublié
Ressuscite la sève.
Comme des pommes d’or
Dans une ciselure d’argent
Ainsi est une parole dite en son temps.
Extrait du livre Souvenirs d'antan de la Guadeloupe
Juin 2010
100 Pages
Les Lolos
Vin vann ! C’est l’appel qui retentissait après au moins les six coups d’une pièce de un, deux, cinq ou dix francs sur le comptoir de bois où était posée la balance de la justice qui réglait les affaires de la morue, des salaisons, des pois, du sucre… Soudain, à travers les étagères garnies depuis le plancher jusqu’à la tôle, Madame Josette arrive accompagnée par le courage et la détermination, ses compagnons éternels plus proches d’elle que son propre mari. Elle dépliait nos petits bouts de papier froissé, serrés si fort pour ne pas s’envoler, car souvent, le repas de midi y était inscrit, faute de mémoire, pour ne pas y retourner une centaine de fois. L’addition souvent posée sur un carnet de crédit soigneusement conservé comme un lingot d’or où nos parents s’empressaient en fin de mois, en adultes responsables, de régler personnellement un passif sans intérêt de 100 francs ou plus. Juste à coté dans la buvette, le bruit des dominos pétayaient sur la table, les amis, Hilarion, Nesty, Lycien, Djoubinn, Bènadin et bien d’autres encore, se retrouvaient autour d’un sèk ou un fé.
Et l’odeur des haleines de rhum, des oignons, de la morue et des harengs, donnait une senteur particulière qui était commune à tous les lolos des quartiers. Le point de rencontre sans rendez-vous, des renseignements, mais aussi des nouvelles fraîchement cueillies en ville.
Le camion d’alimentation générale, Clairville et Fils, faisait vibrer les fondations de la boutique quand le chauffeur coupait le moteur diesel dans son dernier soubresaut. Il sillonnait les communes lointaines vidant son ventre pour remplir celui des autres.
La journée du paysan
Il se lève avant que le coq ne chante, lorsqu’il fait encore noir dehors et quand la lune est pleine, elle guide ses pas sur la lisière et les sous-bois.
Il avale un morceau de la veille, peu importe ce que c’est et enfile ses haillons, couleur terre, qu’il ne lavera qu’au bout de quelques jours, voire une semaine.
Ses bottes et son coutelas sont toujours à la porte d’entrée dans un coin à droite ou à gauche, car ils sont les premiers qu’il dépose quand il en revient.
Il pousse la porte en tôle qui grince toujours malgré toutes les précautions jetant un dernier regard dans la pièce mal éclairée pour voir si les enfants ne se sont pas réveillés. Dehors il fait frais, il fait bon. Ses yeux n’auront pas la chance de tomber sur un indolent qui lui gâcherait sa journée. C’est le moment idéal pour commencer à la débuter, pour prendre de l’avance sur le soleil qui cadence le rendement au rythme de ses rayons cuisants.
Il peut s’agir de planter ou de récolter, sarcler, passer de l’herbicide ou haler un charbon.
A l’heure du casse-croûte, on lui apportera un morceau de pain, une salade de concombre, avec des sardines sans doute et de l’eau glacée par deux francs de glace à l’eau achetée au lolo du quartier.
Le labeur peut reprendre ou s’arrêter, passer à autre chose, ce ne sont pas les tâches qui manquent.
Il s’occupera ensuite de ses bœufs qui l’appellent dans un meuglement orchestré, le soleil a déjà quitté son zénith. Il rentrera en passant peut-être par la buvette, deux bons seks avec les amis, quelques bonnes blagues, le rhum est bon mais ne remplit pas le ventre.
Des madères, du fruit à pain des patates douces et de la morue en chiktay, sak vid pa tjenn doubout.
Un petit pijézié, il n’est pas plus tard que deux heures ou trois heures (de l’après midi) il remet ses bottes, attrape son coutelas et retourne à la besogne. Quand il n’a pas trop à faire, il passe un peu de temps avec son bétail qu’il peut conduire à une lisière entre deux champs de cannes pour les faire brouter une herbe riche et abondante.
Ensuite, il les conduit à l’abreuvoir (une mare en général) puis les ramène au parc où ils vont ruminer une bonne partie de la nuit les derniers brouts.
Il rentrera chez lui comme ce matin-là, la nuit tombante pour se reposer. Il se fera peut-être masser au Bay-Rum pour dissiper quelque douleur téméraire, car le corps d’un paysan est toujours sous le coup du mal.
La case créole
Le souffre-douleur de la misère, chapeau de paille et bois de poirier, une fenêtre qui s’ouvre sur les premières brumes du matin, le siren de son nom, chasse l’odeur d’une lampe de pétrole porteuse d’une piètre chaleur inégale dans la seule pièce, l’initiale.
La porte, la plus parfaite, bien à plomb, quatre planches bien droites, n’envie pas le rakasiyaj des pans de mur serrés par un tasseau. Les gonds si robustes sont réutilisés à chaque nouvelle construction. Pas besoin de serrure un clou fera l’affaire, c’est ainsi partout ami untel veille toujours pour nous.
Le pas de la porte en terre, battu par les allées et venues, où plus rien ne pousse sauf un peu d’ombre vers les quatre heures et demie et un petit banc pour asseoir la fatigue amassée dans un champ au pipirit chantant.
Les seules herbes qui ont la chance de fleurir le sont par la permission humaine, comme on les appelle rimèd razyé : tikann, fanbwazen, gwomant, zèbafè, zouti etc…
Une fougère obtient la clémence grâce à sa beauté, elle se cache derrière un bari derrière la maison ou l’on lave son intimité.
Souvent dans la cour, l’arbre à pain se marie avec un manguier ou un avocatier et féconde des fruits pour le bonheur de tout un chacun, un troc avec le voisin, c’était cela la vie an tan Sorin.
L’arbre de la vie.
Venez vous asseoir à l’ombre du grand baobab
Et écoutez l’histoire que nous conte l’oncle Bob.
Voyez cet arbre, il est grand et majestueux
Il est vieux, mais sa cime n’atteindra pas les cieux.
C’est ici que commence l’histoire de mon grand-père
Ici même et la naissance de mon demi-frère,
Par les mains de celle qui est votre arrière-grand-mère.
Elle avait un talent digne d’une infirmière.
Mon vieil oncle lui, connaît toutes mes grandes sœurs
Que je n’ai pas eu la chance de connaître d’ailleurs.
Mes tantes elles, furent si fières de m’avoir comme veilleur.
Un gardien qui n’avait pas peur de la froideur,
De la mort, sa frayeur et partout sa laideur.
Mes cousins partirent pour un territoire lointain.
Ils furent humiliés comme notre ancêtre Caïn,
Car ils n’eurent aucun mal pour trouver de femme
Que leurs propres nièces dont ils souillèrent leurs âmes.
Les parrains n’avaient pas du tout les pieds marins.
C’était nos marraines qui tiraient à terre la seine.
Elles ramenaient le grand filet avec tant de peine,
Et nos tontons vidaient le poisson à la main.
Ecoute bien mon fils, ceci est l’édifice
Sur lequel ton fondement est solidement bâtit.
Et toi ma fille voici, c’est ici qu’une nuit,
Tu t’assoiras pour conter dans quelques années
L’histoire de ta lignée à ta postérité.
( extrait du receuil Les Mots, à venir)
Automne
Quand il pleut en automne au ciel des arbres,
Un déluge de couleur et de feuilles mortes
Que le vent emporte dans une folle danse
Comme des ballons de baudruche à la fête foraine
Excités par ces frêles nuages de coton blanc
Qui les attirent pour le dernier ballet du soir.
L’automne a sorti sa robe de madras
Pour un léwoz jusqu’au petit matin d’hiver ;
Les premiers flocons s’invitent à la ronde
Sur un air joué par le mistral du Nord
Et l’automne s’endort lentement, transi,
Dans le fin lin blanc que la neige lui tend.
( extrait du receuil Les Mots, à venir)
extrait de Carnet de Route
Enfants d’Afrique
(Expression libre)
Ils sont nombreux, ce sont des millions.
Sans cesse, chaque jour, ils pleurent,
Mais nous, on reste sourds.
Combien d’entre eux ont déjà souri ?
Depuis les premiers cris de la vie.
Ils ne cessent de crier,
De crier le ventre vide,
De crier au secours,
De perdre la voix,
De tendre un bol vide,
Ils ne font pas l’aumône,
Ils ne veulent pas de nos pièces d’euros,
Juste un peu de riz,
Juste un peu d’eau.
Un squelette accroché à sa mère,
Ensemble, ils ne pèsent même pas trente kilos,
La tête toujours plus grosse, mais c’est normal ;
Ce n’est pas un handicap c’est le corps qui est mourrant, souffrant.
Certains cherchent un peu de joie,
En tenant dans leurs bras,
Une petite chèvre qu’ils ont vu naître,
Un membre de la famille qui finira au dîner,
A défaut d’avoir une peluche pour jouer,
Comme les autres enfants du monde.
Une cicatrice profonde lui sépare le visage,
Comme une symétrie, une médiane,
Un fossé profond,
En réalité c’est un coup de machette
Qui lui a fait cette chirurgie
Pour le moins pas esthétique.
Des kilomètres dans la brousse
Pour écrire sur une ardoise,
Pieds nus ou sandales déchirées, aucune différence,
La crainte d’un fauve tapi dans un buisson,
La proie n’a plus d’espèce, plus de nom.
Une situation à ne point négliger,
Nos enfants ont des passages protégés
Des bus scolaires et des limousines noires.
Plus loin,
Un nourrisson s’accroche à un sein,
Flasque et vide, même pas d’air,
La sensation de faim est coupée par la succion
Son ventre ballonné les yeux globuleux
Combien de jours pourra-t-il tenir ?
Comme cette petite fille grosse comme un chiot,
Sans force, traînant dans la poussière,
Accoudée sur ses os comme des pattes,
Des vautours guettant son dernier souffle
Pour se repaître de sa peau.
Ils n’en trouveront pas davantage,
Ils n’auront certainement pas le jabot rassasié,
Les autres charognards finiront la carcasse
Qui continuera de gémir doucement.
C’est une photographie de Kevin Carter
Qui a fait le tour du monde dans les journaux
Mais les choses n’ont pas changé
Le Soudan est un charnier à ciel ouvert
Là-bas les enfants ne sont pas forts comme Kirikou.
Ils ne se battent pas contre une sorcière,
Mais contre la méchante misère.